L’égalité des chances sera-t-elle réalisée le jour où l’accession à l’ENA sera « démocratisée » ? On pourrait le croire en se référant au livre que je viens de publier (« Un fils de ploucs chez les énarques ») à partir de ma propre expérience d’énarque issu d’une petite ferme bretonne. Il faut dire pourtant que la « démocratisation » de l’ENA, certes symbolique, ne représente qu’une partie du problème ;
le vrai problème de l’égalité des chances est ailleurs, de même que sa solution : il faut répéter, encore et encore, que ce sont les premières années de la vie qui permettent aux uns de bénéficier de toutes les chances et aux autres d’en avoir beaucoup moins, et parfois aucune. Ensuite, c’est trop tard, quoi qu’on fasse
Notre président a consacré une partie de son premier mandat à proposer une réforme des retraites, c’est à dire à la fin de la vie, sans pouvoir la mener à bien pour des raisons indépendantes de sa volonté. Il est temps maintenant pour lui de penser aussi aux plus jeunes, c’est à dire au début de la vie, à travers un programme d’égalité des chances s’adressant aux élèves de l’enseignement primaire et secondaire. C’est l’âge où l’avenir se joue et où un fossé se creuse entre ceux qui ont la chance d’avoir un entourage capable de les aider et ceux qui doivent se débrouiller seuls : je sais de quoi je parle ... La solution à ce problème ne paraît pas insurmontable : pour limiter au maximum ce genre d’inégalité et pour donner à chacun sa chance, deux mesures apparemment banales mais en fait déterminantes s’imposent :
D’abord faire en sorte que, du CP au CM2, aucune classe n’ait plus de 15 élèves, et ensuite s’organiser pour que tout le travail des élèves, dans le primaire et le secondaire, se fasse réellement à l’école.
Voilà qui n’a rien de révolutionnaire puisque l’évolution vers ce genre de mesures est déjà entamée ; son coût pourrait se répartir, année après année, sur les 5 ans d’un quinquennat.
Toutes les autres mesures, et notamment les bourses, sont nécessaires et bénéfiques. Elles seront plus efficaces si l’égalité des chances, pratiquée dès les premières années, permet à tous nos jeunes d’avoir les mêmes rêves et les mêmes possibilités de les réaliser quelle que soit leur origine sociale et géographique. Mon livre s’adresse à tous ces jeunes issus de milieux défavorisés comme moi, qui pensent peut-être que, du fait de leurs origines, ils doivent rêver plus petit. Mon expérience prouve le contraire : il n’est pas nécessaire d’être un génie pour entrer dans une grande école ; l’ambition, qui est un droit et un devoir, y compris pour ces jeunes, le travail, la détermination (et de la chance ... qui se mérite ?) peuvent suffire. Mais il est vrai aussi que, si ma mère, riche de son seul certificat d’études primaires, n’avait pas décroché, en remuant ciel et terre, une bourse qui m’avait été initialement refusée, je n’aurais jamais fait d’études, d’où mon livre-plaidoyer pour l’égalité des chances.
Pierre le Roy
Pierre le Roy est l’auteur de « Un fils de ploucs chez les énarques », livre autoédité disponible en version « papier » et en version numérique chez Amazon. Il est également le créateur de l’indice du bonheur mondial, publié annuellement depuis vingt ans sur son site Internet GLOBECO (www.globeco.fr).